ALVIN (Emilie)

ALVIN, Emilie (Bruxelles, 13 juin 1873 – Ixelles, 17 avril 1963), philanthrope, responsable de plusieurs organisations de santé publique et d’assistance coloniales.

Fille de Louis Alvin (né en 1845), ingénieur des mines, qui participa à la création de l’Ecole polytechnique de Bruxelles, et de Jenny Orts, dont le père, Auguste Orts, fut député, échevin et bourgmestre de la ville de Bruxelles, mais aussi cousine de Pierre Orts, haut fonctionnaire au ministère des Colonies et président de la Croix-Rouge du Congo, Emilie Alvin provient d’une famille libérale proche des milieux politiques bruxellois et nationaux. Elle épouse le 29 novembre 1892 le peintre Léon Dardenne (1865-1912), dont elle a trois filles, Jacqueline, Emilie et Jeanne. Avec son époux, Emilie Alvin fréquente des milieux artistiques au sein desquels sont actifs d’anciens fonctionnaires de l’Etat indépendant, tels l’ancien magistrat et écrivain colonial Léopold Courouble et le lieutenant Jérôme Becker, auteur de La vie en Afrique.  

Assez rapidement, Dardenne connaît des revers de fortune, liés à des placements malheureux de l’héritage paternel, couplés à la modestie des revenus de ses propres activités artistiques. Emilie Alvin et son époux se voient forcés de quitter le « Petit castel » de Tervuren dont Dardenne avait hérité.[1] Ces déboires financiers provoquent des tensions dans le couple qui se sépare peu avant le départ de Dardenne pour la mission scientifique Lemaire au Katanga (1898-1900). Précipitée dans la vie active après la séparation, Emilie Alvin  se consacre systématiquement à des œuvres sociales. Sans doute obligée de gagner sa vie, elle fonde à Middelkerke l’Institut Dardenne destiné à accueillir des pensionnaires malades.

Veuve dès 1912, Emilie Alvin se montre active dans le secteur des secours pendant la Première Guerre mondiale, tant en Belgique qu’en France. En août 1915, elle fonde à Paris le Bureau belge pour les prisonniers de guerre. A Ypres, elle se charge du soutien matériel aux populations pour le compte de l’Aide civile et militaire dans la zone de la Belgique libre occupée par l’armée britannique. A Poperinghe, elle travaille comme infirmière auprès des médecins du régiment belge d’artillerie. En 1917, elle retourne en France prendre la direction d’un home pour enfants belges créé par la reine Elisabeth. En 1918, elle s’occupe au Havre de l’œuvre d’assistance familiale aux Belges expatriés. De retour en Belgique en 1919, elle fonde l’Association des infirmières visiteuses de Belgique et s’investit dans divers organismes liés aux infirmières, infirmières visiteuses et institutrices.

Son expertise dans ce domaine est remarquée par les milieux coloniaux : en 1920-1921, elle est chargée par le Fonds spécial du Roi de réaliser un voyage d’étude et de rédiger un rapport sur la situation des femmes dans la Colonie. C’est le début de son investissement dans la cause coloniale, investissement renforcé par le séjour d’une de ses filles dans la Colonie. En 1923, Emilie Alvin fonde l’Union des femmes coloniales belges, dont l’objectif principal est le « progrès constant des conditions de vie féminine et familiale au Congo, tant pour la société indigène que pour la société européenne. »[2] L’Union se structure en une série de comités locaux. Ceux-ci visent à la fois les femmes coloniales et les populations locales : il s’agit d’améliorer les conditions de vie des Européennes dans la Colonie, tout en apportant une assistance aux mères et aux enfants congolais. Emilie Alvin est nommée présidente de l’association. Les milieux coloniaux la nomment également la même année membre de la commission réunie par le roi autour des questions sanitaires au Congo. En 1924, elle est nommée directrice de la Croix-Rouge du Congo, fonction qu’elle exercera jusqu’à sa retraite en 1938. Emilie Alvin milite pour le développement d’écoles pour infirmières congolaises, ainsi que pour la mise en place de cours d’hygiène coloniale pour les futurs partants. Une fois de plus, elle vise à la fois les Européens et les populations congolaises.

Ses préoccupations pour les questions de santé et de bien-être dans la Colonie pour les colonisateurs comme pour les colonisés l’entraînent à vanter les carrières féminines au Congo et à souligner l’influence décisive que les femmes européennes étaient appelées à y jouer, notamment au travers d’articles publiés dans le Bulletin de l’Union des Femmes Coloniales, mais aussi lors de conférences et de discussions de ses rapports.

En 1933, le Lyceum Club, un réseau social féminin, ouvre une section coloniale et en confie une des vice-présidences à Emilie Alvin, déjà présidente de l’Union des femmes coloniales. Cette section organise des conférences sur des thématiques coloniales et permet aux anciennes d’Afrique de se retrouver. Elle organise, conjointement avec l’Union des femmes colonials, le Salon de la femme coloniale en 1934, un événement mondain où sont exposées les œuvres de femmes artistes.

Emilie Alvin est encore sollicitée en 1935 pour devenir membre de la Commission pour la protection des arts et métiers indigènes du Congo belge instituée par le ministre des Colonies. Elle a en effet manifesté son intérêt pour ces questions, de manière parfois critique, à l’égard de l’enseignement professionnel dispensé au Congo, à ses yeux trop éloigné de la culture et des réalités locales.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Emilie Alvin attire l’attention des institutions coloniales en Belgique sur la nécessité de développer l’assistance sociale au Congo. Sa note, rédigée avec un médecin de la Colonie, est examinée avec attention par l’Institut royal colonial belge (future Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer), et sert de base au déploiement des services sociaux après 1945 au Congo belge. Son travail, tant dans le domaine philanthropique (Croix-Rouge du Congo) qu’au sein d’un organe de propagande et d’études coloniales (Comité permanent du Congrès colonial national), ou encore  d’un groupement d’intérêts collectifs (Union des femmes coloniales), est en effet reconnu de son vivant. Emilie Alvin reçoit de nombreuses décorations, certaines liées à son activité pendant la Première Guerre mondiale, d’autres à son investissement dans la sphère coloniale (Officier de l’Ordre de Léopold II, Chevalier de l’Ordre du Lion et de l’Ordre de la Couronne, médaille d’or de la Croix-Rouge avec barrettes d’argent).

 

Anne Cornet
Musée royal de l’Afrique centrale
26 août 2014
anne.cornet@africamuseum.be

 

Sources inédites

Voyage d’étude effectué au Congo belge sous les auspices du Fonds spécial du roi Albert Ier, 1920-1921, transcription du journal d’Emilie Alvin, conservée dans les archives de l’Institut Pasteur à Paris, (fonds FR AIP DRD).
 

Sources publiées

  1. Publications d’Emilie Alvin

Contribution à Louwers (O.) et Hoornaert (A.), La question sociale au Congo : rapport au Comité du Congrès colonial national : compte-rendu de la discussion plénière du 24 novembre 1924, Bruxelles, Goemaere, 1924, pp. 95, 103-104.

  1. Autres sources publiées

Dardenne (E.), Les carrières féminines au Congo. Conférence donnée par Mme Dardenne à l’Union coloniale, sous les auspices de l’Union des Femmes Coloniales, in Bulletin de l’Union des femmes coloniales (bufc), Vol. 4, juillet-août 1927, n° 22, pp. 1-3.

Dardenne (E.), La femme blanche au Congo. Travail de l’Union des Femmes coloniales, in bufc, novembre-décembre 1931, p. 1.

Dardenne (E.), Le problème de l’éducation en Afrique. Vie congrès mondial de la Ligue internationale de l’Education nouvelle (section Education de l’Africain), in bufc, novembre-décembre 1932, pp. 2-3.

Dardenne (E.) & Dubois (M.A.), Le développement de l’assistance sociale au Congo. Nécessité, but et moyens. (Note de Mme E. Dardenne et de M.A. Dubois), in Bulletin des séances de l’Institut royal colonial belge, Vol. 14, 1943, n° 2, pp. 290-308.

Milou, Mme Dardenne, in L’Illustration congolaise, n° 202, juillet 1938.

La Tribune congolaise, 30 juin 1938, p. 3.
 

Travaux scientifiques

Alexander (M.), Alvin Emilie, in Biographie belge d’Outre-Mer, Vol. 6, Bruxelles, arsom, 1968, c. 11-12.

Alvin Emilie, in Gubin (E.), Jacques (C.), Piette (V.) & Puissant (J.), eds., Dictionnaire des femmes belges, 19e et 20e siècles, Bruxelles, Racine, 2006, pp. 24-25.

Devroey (E.) & Neuhuys-Nisse (C.), Léon Dardenne, 1865-1912: peintre de la Mission scientifique du Katanga, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1965 (Annales des sciences historiques, in-8°, n° 2), pp. 18 et 26-27.

Jacques (C.) & Piette (V.), L’Union des femmes coloniales (1923-1940). Une association au service de la colonisation, in Hugon (A.), ed., Histoire des femmes en situation coloniale : Afrique et Asie, XXe siècle, Paris, Karthala, 2004, pp. 95-117.

Jadot (J.-M.), Dardenne Léon, in Biographie coloniale belge (bcb), Vol. 1, Bruxelles, ircb, 1948, c. 281-282.


[1] E. Devroey et C. Neuhuys-Nisse, Léon Dardenne, 1865-1912: peintre de la Mission scientifique du Katanga, Tervuren, MRAC, 1965 (Annales des sciences historiques, in-8°, n°2), p.18 et 26-27.

[2] Bulletin de l’Union des femmes coloniales, mai-juin 1927, p.2.

 

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Tomaison: 

Biographical Dictionary of Overseas Belgians