BOKILIMBA WIJIMA (Pius)

BOKILIMBA WIJIMA[1], Pius, (Mbandaka-Inkole, 17 octobre 1892[2] – Mbandaka le 15 décembre 1979), militaire, enseignant, commis, planteur, commerçant, homme politique.

Bokilimba Wijima Pius, né de P. Nkota, son père, et de M. Wanga, sa mère, appartenait au lignage féminin de la famille établie originairement à Mbandaka Inkole (Coquilhatville, actuelle Mbandaka, République démocratique du Congo – RDC).

Bokilimba a fréquenté la colonie scolaire de Boma avant d’être incorporé dans la Force publique le 1er juin 1911. D'après son livret militaire, Bokilimba a porté successivement les grades de caporal, sergent et premier sergent. Démobilisé le 31 décembre 1913, il devint enseignant aux Huileries du Congo belge à Alberta (actuel Ebonda). En 1919, il se rendit à Mbandaka avant de se faire engager comme clerc-vendeur à Bokote et Léopoldville (Kinshasa). En 1920, il rentra à Coquilhatville pour cultiver sa terre natale. À cette époque, et peut-être inspiré par son expérience d'Ebonda, il planta 400 palmiers et autres arbres fruitiers à Bolokowa Nsimba (village absorbé plus tard par Coquilhatville). De 1921 à 1946, sur conseil de ses frères, il alla s'installer à Coquilhatville-Inkole Jomoto, terre de la branche féminine de ses ancêtres. En 1922, il planta encore 300 palmiers à Coquilhatville-Bofunga-Inkole.

Menacé par les expropriations de ses terres et plantations, tant de la part de l'Administration pour les besoins d’extension de la ville (terrain du poste météorologique et TSF, télégraphie sans fil), que d'Européens en tant que particuliers, il n'a cessé de défendre ses droits fonciers coutumiers. Il a souvent été contrecarré par Lucien Eanga, le capita de la branche masculine de la famille. Ce dernier avait le soutien de l'Administration coloniale, dont il favorisait la politique foncière. Tout cela lui a valu trois ans de relégation (1947 à 1950) à Booke (Haute Tshuapa). Son histoire est exemplative des problèmes créés par la politique foncière coloniale, qui ignorait la véritable structure de la propriété foncière traditionnelle et jugeait les affaires foncières sur base de concepts et de législation occidentaux. Pendant les années 1950, Bokilimba a été impliqué dans de nombreux procès qu'il intentait parfois lui-même, sur instigation et avec l’aide du Père Gustaaf Hulstaert, contre l’Administration coloniale. Il n’a pas pu les gagner contre l'interprétation de la législation coloniale qui ne reconnaissait que partiellement le droit foncier coutumier et qui ignorait les droits coutumiers de la branche féminine. En 1956, Bokilimba a de nouveau été menacé de relégation. Pour Hulstaert, le cas de Bokilimba servait d’argument de base pour sa théorie que, selon la tradition mongo, la section féminine d’une famille pouvait être propriétaire de terres de plein droit. Le principe a finalement été reconnu dans quelques affaires judiciaires locales. En conclusion, c'est à force de ténacité que Bokilimba a pu conserver pour sa famille une partie du domaine ancestral. Une avenue dans le quartier Ikongowasa de Mbandaka porte aujourd'hui son nom.

Fin des années 1950, il se lance dans la politique en préparation de l’Indépendance. À Coquilhatville, il devient membre du Mouvement traditionaliste congolais. Il était secrétaire de l'Association des Classes moyennes et conseiller communal à Coquilhatville. Il a participé au deuxième congrès national de l'Union congolaise tenu à Stanleyville du 28 septembre au 3 octobre 1959. Les partis participants formeront le Parti national du Progrès (PNP). En février 1960, il participa à la Table Ronde à Bruxelles en tant que membre suppléant pour ce parti. Il devint ensuite membre du Collège exécutif provincial de la Province de l'Équateur. Après l’Indépendance, il a été attaché au Cabinet du Gouverneur de la Province.

 

Honoré VINCK et Charles LONKAMA
21 novembre 2019

 

Sources inédites

-Archives Aequatoria (A. Aeq. Bamanya RDC), boite 97, farde 10 à 16 et Microfiches (Mf) en dépôt à Kadoc, Leuven] (A. Aeq, Mf3/35 à 3/43) et un grand nombre de documents d’archives y mentionnés.

-Correspondance Gustaaf Hulstaert – Georges Housiaux, A.Aeq., boite 61, f. A-B, p. 12 et Mf. CH 97. 

-Correspondance Gustaaf Hulstaert – Philippe de Rode, Archives Missionnaires du S. Cœur, Borgerhout, Belgique (AMSC-B), ‘Correspondance Hulstaert avec non MSC’ et Mf. CH 96, pp. 033-047.

-Correspondance Gustaaf Hulstaert – Edmond Boelaert, AMSC-B, Correspondance avec MSC, boite B.

-Correspondances et notes de Gustaaf Hulstaert, de Paul Ngoi, d’Augustin Elenga et de Bokilimba, incorporées dans le dossier ‘Problèmes fonciers’, A. Aeq. boîte 97, farde 16, pp. 694-960 et Mf. 3/40-43.

 

Sources publiées

Vinck (H.), Wijima versus l’État : Coutumes et expansion coloniale, in Vinck (H.), Conflits fonciers au Congo belge, Bruxelles, Académie royale des Sciences d’Outre-Mer, 2011, pp. 451-468 (Fontes Historiae Africanae).

Vinck, (H.), Société coloniale et droit coutumier. Correspondance G. Hulstaert – A. Sohier: 1933-1960, in Annales Æquatoria, 18, 1997, pp. 9-238.

Hulstaert (G.), Traditions orales sur l’origine de Mbandaka, in Annales Aequatoria, 4, 1983, pp. 166-171.

Photo de Bokilimba Wijima (avec notice biographique sujette à caution), in Mbandaka, 1960, 30 avril, p. 7.

Les périodiques locaux (Etsiko, LokoleLokiso, Mbandaka), de Coquilhatville des années 1955-1960 et 1962.

                                                                                                                                                                                                                                           

Travaux scientifiques

Hulstaert (G.), Note sur la politique de relégation, in Annales Æquatoria, 13, 1992, pp. 538-545.

Lonkama (E.B.), Bokilimba Witshima (Pius), le controversé, in Vinck (H.), éd., Mbandaka, hier et aujourd'hui, Bamanya, Centre Æquatoria, 1990, pp. 116-118 (Études Æquatoria 10).

Eseka Bikoko, Problèmes fonciers et espaces urbains à Mbandaka (Zaïre), in Cahiers d'outre-mer, 37, 1984, n° 147, pp. 291-299. DOI : https://doi.org/10.3406/caoum.1984.3114.

Vinck (H.), Wijima versus l’Etat : Coutumes et expansion coloniale, in Vinck (H.), Conflits fonciers au Congo belge, Bruxelles, Académie royale des Sciences d’Outre-Mer, 2011, pp. 58-69 et p. 165 (Fontes Historiae Africanae).

 


[1] Variantes : Witshima, Widjima.

[2] Bokilimba a toujours prétendu qu’il est né en 1882. 1892 est la date des documents officiels.

 

 

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Biographical Dictionary of Overseas Belgians