PRIGNON (André)

PRIGNON, André (Gilly, 25 février 1923 – Rhode–Saint-Genèse, 30 novembre 1985), haut fonctionnaire à l’administration de la coopération au développement.

Né à Gilly (actuellement commune de Charleroi), André Prignon est issu d’une famille de la classe moyenne brabançonne implantée à Waterloo (Edgard, le père, est commerçant et sa mère, Jeanne Derue, est institutrice). En 1949, il épouse Denise Hoebaer ; de cette union naîtront trois enfants nés respectivement en 1951, 1954 et 1957.

Après des études secondaires en latin-grec au Petit Séminaire de Basse-Wavre (1935-1941), il s’inscrit à l’Université catholique de Louvain ; il y décroche une licence en philologie romane (1941-1945) qui lui donne la possibilité d’accomplir une carrière d’enseignant, profession répondant à ses aspirations profondes.

N’ayant pas réussi à obtenir un poste pour l’année scolaire qui débutait, il trouve un emploi au Ministère des Coloniescomme secrétaire d’administration sous contrat (13 décembre 1945)où ilest affecté à la direction générale chargée de l’enseignement, secteur auquel il restera attaché jusqu’à son décès.

Durant la période coloniale (1946-1960), les tâches dont il est chargé l’amènent à traiter successivement del’éducation des enfants « blancs » pour lesquels le ministre des Colonies Robert Godding vient de créer les premiers athénées officiels, puis de la préparation des nouveaux programmes de l’enseignement pour Congolais (1948 et 1952) et de leur application, dont le but est d’élever progressivement le niveau des établissements scolaires pour autochtones à celui des écoles pour Européens.Dans l’optique politique de la constitution d’une communauté belgo-congolaise, il est favorable dès 1955 à l’extension et à la facilitation desexpériences menées depuis 1952 de mixité « blancs-noirs » dans les collèges et athénées du Congo et du Ruanda-Urundi.

Mais permettre aux meilleurs éléments de lajeunesse autochtone d’intégrerles écoles pour « blancs » est pour André Prignon un pis-aller. « Le vrai problème, écrit-il en 1957, consiste fondamentalement à substituer à un double réseau scolaire un réseau scolaire unifié… et des programmes uniformes à tous les degrés de formation, que la majorité des élèves soient blancs ou noirs. »[1]Bien en phase avec la politiquecoloniale du moment qui n’envisageait une autonomie du Congo que dans un avenir pas trop proche, tout en favorisant le développement de rapports durables entre communautés, cette propositionne put être réellement concrétisée par le fait de l’accélération de l’évolution politique vers l’indépendance.

De 1952 à 1960, André Prignon dispense également à l’Ecole coloniale de Bruxelles[2] un cours sur la structure et les problèmes de  la formation et de l’enseignement pour autochtones.

L’indépendance du Congo en juin 1960 va confronter l’administration à une toute nouvelle tâche : l’accueil et la formation de boursiers. En effet, l’aide de la Belgique au Congo prévoit, entre autres, un vaste programme, sans précédent, de bourses d’études et de stage (respectivement 300 et 200 bourses). L’opération est marquée du sceau de l’improvisation : on assiste en septembre 1960 à un affluxnon contrôlé d’étudiants congolais. Le Ministère des Affaires africaines (qui a succédé au Ministère du Congo belge et du Ruanda-Urundi et qui sera remplacé à partir de 1962 par l’Office de Coopération au Développement, OCD) crée une nouvelle direction chargée d’encadrer ces boursiers. Tout est à faire : l’accueil, le logement, les inscriptions dans les universités et les écoles secondaires, l’acclimatation au mode de vie en Belgique, l’amélioration de la connaissance du français et autres services divers. Le défi est énorme : en 1963, on dénombre 1426 boursiers étudiants et 234 stagiaires. Sous la direction de Gaston Derkinderen de 1960 à 1965 puis sous sa propre responsabilité de 1966 à 1971, André Prignon, promu au grade de conseiller, s’attache à améliorer progressivement l’efficacité de cette partie de l’aide belge au développement : soutien financier à la « Maison africaine » (asbl du secteur privé créée en 1961), détermination des options scolaires prioritaires, sélection par les ambassades des dossiers présentés par le Congo, le Rwanda et le Burundi (dès 1962), épreuves de sélection organisées sur place (à partir de 1964), extension géographique d’offre de bourses à tous les continents (dès 1964), intégration des bourses dans le canevas des projets de terrain (1968).

En 1971, à l’occasion d’une profonde restructuration de l’administration (transformation de l’OCD en Administration générale de la Coopération au Développement, AGCD), André Prignon est nommé directeur d’administration à la tête de la nouvelle « direction de la coopération éducative et sociale », regroupant l’ensemble des programmes et projets relatifs à l’enseignement, à la formation, au secteur médical et, à partir de 1976, au cofinancement des ONG, direction considérable par son poids sur le plan du nombre de coopérants (1584 unités, soit 75% du total) et de projets (40%) ainsi que pour son incidence budgétaire (55% des dépenses bilatérales). Laissant une large autonomie à la cellule médicale pour la gestion de la coopération en matière de santé publique, domaine qui lui est peu familier, il se consacre essentiellement à maintenir une place de choix à la coopération éducative qui, selon sa propre conviction, est un élément indispensable pour le développement, mais souffre de l’évolution de l’aide dans le sens d’un soutien accru au développement économique.

En réponse à l’objectif maintes fois affirmé par le pouvoir politique de diminuer de moitié le nombre de coopérants enseignants, il se battra, au long des quatorze années au cours desquelles il dirigera ce secteur, pour faire accepter dans tout programme de coopération négocié avec un pays partenaire un volet relatif à la formation et à l’enseignement. Plus particulièrement en ce qui concerne le Congo, le Rwanda et le Burundi, pays totalisant plus de 80% des moyens financiers consacrés à ce secteur, il estimait comme un devoir pour la Belgique de collaborer par des moyens conséquents à maintenir, voire à sauvegarder un certain niveau de qualité dans la structure éducative de ces pays.

Avec un calme, une affabilité et un sens aigu des rapports humains qui le caractérisent, fort de la considération qu’il inspire en raison de son expérience et de sa maîtrise des dossiers, mais sachant s’adapter aux circonstances et aux objectifs politiques, il va s’efforcer de concentrer le secteur dont il a la charge sur quatre objectifs généraux : extension de l’aide aux universités, formation et encadrement des enseignants dans les matières scientifiques, création et développement d’écoles techniques et professionnelles, recherche et expériences dans le domaine pédagogique en vue d’adapter les contenus scolaires aux conditions locales (éducation télévisuelle, apprentissage des langues, mathématiques modernes). Un accent particulier est placé sur les formations agronomiques et agricoles, médicales et techniques de niveau supérieur.

L’ampleur des programmes consacrés à la formation varie d’un pays à l’autre : très ponctuels dans les pays partenaires d’Amérique latine et d’Afrique occidentale, plus développés au Maghreb. Mais c’est à la coopération avec le Congo, le Rwanda et le Burundiqu’André Prignon consacrera l’essentiel de ses efforts. A sa prise de fonction comme directeur en 1971, l’aide de la Belgique à ces pays dans le domaine de l’enseignement est stigmatisée comme coûteuse et inefficace. Dispersée, sans structure ni perspective, elle est restée une coopération de substitution et non d’encadrement. Le ministre de la coopération Raymond Scheyven veut y mettre bon ordre : désormais, tout coopérant et toute action devra se situer dans le cadre de projetsalliant objectifs précis, personnel belge qualifié, équipement et formation de personnel autochtone par l’octroi de bourses.André Prignon mènera à bien cette nouvelle politique et réorganisant progressivement chacun des niveaux de formation.

La coopération universitaire est restructurée en projets, renforçant les liens entre facultés belges et locales (1971) et l’autonomie des universités dans le choix des programmes (1976). L’enseignement technique et professionnel, moribond par manque d’équipement, est relancé à partir de 1972 dans une trentaine de projets couvrant des filières très diverses. Les professeurs de l’enseignement général primaire et secondaire sont regroupés dans des bureaux pédagogiques ou des instituts supérieurs pédagogiques et leurs écoles d’application, avec comme objectifs : former des enseignants, les encadrer, les recycler.

Ainsi, par ses initiatives, son volontarisme et avec l’appui d’une équipe de fonctionnaires qui lui était toute acquise, jusqu’à son décès inopiné en septembre 1985, André Prignon aura apporté une nouvelle dynamiqueau secteur dont il avait la chargemais il aura réussi surtout à maintenir une place significative à la coopération éducative et sociale au sein de l’aide publique belge au développement ou, en d’autres mots, à préserver un équilibre entre coopération à caractère humain et aide de nature économique et financière.

Bien qu’il n’ait jamais exercé de fonction dans un quelconque pays en développement, André Prignon n’en a pas moins été un acteur majeur de la coopération de la Belgique avec ces pays. Sa longue carrière, centrée essentiellement sur la formation de la jeunesse et des futurs cadres nationaux a été conduite par la conviction que l’éducation et la formation intellectuelle à tous les niveaux sont la condition et la base indispensable à tout développement tant humain qu’économique.

 

Aristide Michel
4 février 2013

 

Sources

 

a) Souvenirs personnels et renseignements fournis par la famille

b) Publications d’André Prignon

Outre l’article mentionné ci-dessus en note 1, André Prignon a rédigé les articles suivants :

- « A propos d'éducation de base », in Problèmes d’Afrique Centrale, n° 15, 1ertrimestre 1952, p. 30-35.

- « En marge des manuels et du matériel des écoles primaires congolaises », in Problèmes d’Afrique Centrale, n° 27, 1er trimestre 1955, p. 16-27.

- « Les carrières dans l'enseignement », in Belgique d’Outremer, n° 286, janvier 1959, p. 22-23.

- Historique et organisation de l'enseignement général au Congo belge, syllabus pour l'Ecole d'administration du Congo belge et du Ruanda-Urundi, juin 1959 (non édité).

 


[1]PRIGNON (A), Enseignement gardien, primaire et normal au Congo belge, in Problèmes d’Afrique Centrale n° 36, 2etrimestre 1957, pp. 111-117. Pour l’année scolaire 1956-1957, le nombre d’autochtones dans le cycle primaire pour « blancs » n’était encore pour tout le Congo que de 281 unités.

[2]L'Ecole coloniale de Bruxelles (dénommée "École d'administration du Congo belge et du Ruanda-Urundi" à partir de 1958) organise les cours de formation que doivent suivre obligatoirement pendant six mois les futurs fonctionnaires de la Colonie. En sont dispensés les détenteurs d’un diplôme de l’Institut Universitaire des Territoires d’OutreMer (INUTOM) ou d’une licence en sciences politiques et coloniales.

 

 

 

 

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Biographical Dictionary of Overseas Belgians