MAKANGA (Henri)

Makanga, Henri (Stanleyville, 1er juin 1929 – Kinshasa, 20 juillet 1997), premier bourgmestre adjoint de Stanleyville, secrétaire général au Conseil législatif à Kinshasa.

Originaires de Buta, dans le Bas-Uélé, les ancêtres de Henri Makanga jouaient déjà un grand rôle dans la région de Kisangani (Stanleyville), plusieurs générations avant sa naissance. Ils participent à des randonnées vers le sud de la future province orientale, en reconnaissance ou pour commercer, la région apparaissant comme un véritable carrefour d’échanges[i]. Plus tard, vers 1872-1875, c’est en conquérant que l’ancêtre Meme s’installe dans la périphérie de ce qui deviendra Kisangani, délogeant (partiellement) les Bakumu de la Rubuya. Il se trouve alors à la tête de troupes Bambundje (arabisés), dont quelques éléments intégreront sa famille. Ses gens, en main-d’œuvre capable, auraient vraisemblablement contribué à l’installation du site précolonial. Sous la colonie, son petit-fils, Gabriel Makanga, succédant à l’ancêtre, joue un rôle similaire dans Stanleyville naissante ; il occupe alors le village qui porte désormais son nom[ii] et s’étend vers Isangi, en territoire Topoke du chef Ngolo Éphèta ya Loete ya Beonda, son beau-père.

Joseph Makanga, le fils de Gabriel, époux de Salima Marthe Ikenge-Mbuli (Lokele Yaokandja, originaire de Yangambi), a pour fils aîné Henri Makanga. La tante de l’enfant, Élisabeth Makanga, joue un rôle important dans sa vie ; c’est dans les bras de celle-ci qu’il assiste en 1933 à l’accueil du futur roi Léopold III et la princesse Astrid, lors de leur périple dans la colonie belge. Lorsque ses parents se séparent, il a sept ans et c’est sous sa garde qu’il est placé, avec son frère César, quatre ans, et sa sœur Élisa, âgée de moins de deux ans. Elle veille à leur éducation, avec l’aide d’une gouvernante. Henri Makanga est plein d’admiration pour sa tante, cette jeune femme moderne qui affectionne robes et tailleurs, s’applique au français, apprend un peu de musique (elle lui fait donner des leçons de piano) et cultive l’art de recevoir. Elle vient alors d’épouser le chef du centre extra coutumier de Stanleyville, et vit entourée d’un cercle de fidèles, en sus de sa propre cour, faite de Bua/Moganzulu et Topoke. Depuis sa résidence de la 14eme Avenue, Joseph Makanga suit attentivement l’évolution de son fils ainsi que ses fréquentations. Tel est l’univers dans lequel grandit l’enfant, traité dès son jeune âge en chef de famille.

Henri Makanga jouit rapidement d’une solide renommée à Stanleyville. Ayant entamé une scolarité brillante à l’Institut officiel des Frères Maristes, sa santé fragile ne lui permet toutefois pas de poursuivre son curriculum à l’École moyenne de Buta, où sont reçus chaque année les 24 meilleurs éléments des promotions maristes. Il a déjà perdu une année lorsque les Frères Maristes créent une section moyenne à Stanleyville, qui n’aura que cette promotion unique. Lorsqu’il se présente au concours de recrutement du personnel auxiliaire de l’Administration d’Afrique, il est classé premier des deux promotions. Suivant l’usage établi, il obtient ainsi le privilège de choisir sa filière professionnelle : il opte pour les Finances. En janvier 1950, il est commis-adjoint au service provincial des Finances, à Stanleyville. Il songe alors à fonder un foyer.

En février 1952, il épouse Anne Victorine Bulaya, une jeune institutrice à la Mission Saint Gabriel, issue d’une importante lignée cheffière et princière Lokele Yawembe, descendant de l’ancêtre mythique Likunde wa Yaongowa wa Lomba de Yalina-tike (nom originel de Yalikina). Il s’engage alors dans le secteur privé ; de 1951 à 1958, il occupe le poste de secrétaire-comptable, d’abord aux Établissements Wagener (import-export) ; ses prestations y sont appréciées mais les relations ne sont pas au beau fixe avec son employeur. Il quitte cette entreprise pour la société Belgika, avant d’être engagé à la Sedec-Motors, toujours au même poste. Durant la période troublée qui précède l’indépendance, il quitte le secteur privé et se lance dans l’activité politique. Henri Makanga mène une carrière prometteuse. En janvier 1959, il devient secrétaire communal de la Lubunga ; à ce titre, il se trouve aux côtés du premier bourgmestre Dethier pour accueillir le roi Baudouin Ier lors de sa visite à Stanleyville en décembre 1959. Il en va de même lors du passage, dans sa localité, du ministre du Congo belge et du Ruanda-Urundi, A.-E. De Schryver, accompagné du gouverneur général Henri Cornelis.

Début 1960, Henri Makanga est nommé premier bourgmestre adjoint de Stanleyville. Lorsque Lumumba y fait son entrée triomphale en mars de cette année, le jeune homme occupe le second véhicule officiel, en compagnie de collègues rentrés des négociations de la Table Ronde de Bruxelles. Tenté par l’idée de s’inscrire dans la sphère nationale, il se rend à Léopoldville ; mais il est déçu par un environnement politique qu’il juge confus et regagne Stanleyville. Il consacre alors son temps libre à divers projets fonciers. Désormais en position d’influer sur les politiques de développement, il s’implique activement dans la gestion de la Rubuya-Bera, procède à des réfections immobilières dans Simi-Simi et tente de reprendre langue avec d’anciens investisseurs, ayant déserté le pays après l’indépendance. Henri Makanga, destiné à jouer un important rôle public grâce à son double héritage, familial et colonial, voit toutefois son élan brisé, car en juillet 1964, les rebelles Simbas marchent sur Stanleyville. Il est placé en résidence surveillée. L’armée nationale étant en pleine déroute, il doit fuir la persécution des Simbas[iii]. Il fait l’objet d’une terrible chasse à l’homme ; sa mère Salima Marthe et Marie Yalala Ikenge-Mbuli (sœur de cette dernière) sont constamment tourmentées, tandis que son frère César finit par entrer dans une semi-clandestinité, les Simbas le menaçant de représailles. Mais en fin de compte, la famille a la vie sauve, grâce à la confusion créée par le débarquement de diverses forces armées dans la ville. Transféré à Léopoldville pour des soins appropriés à son état de dépérissement, Henri Makanga se bat contre une dépression, aggravée de stress post-traumatique, pendant deux longues années et, ne pouvant plus regagner Stanleyville, il est affecté au Parlement congolais (1966), d’abord en qualité de sous-directeur. Pour lui, la vie ne sera plus jamais la même ; à cause de la rébellion simba, il a pratiquement tout perdu. Néanmoins, et malgré bien des obstacles il sera, vingt années durant, agent de commandement au Conseil législatif. Il se distinguera encore comme chef de séances, notamment à la Conférence des chefs d’État de France et d’Afrique (Palais du Peuple 1982). Henri Makanga s’éteint le 20 juillet 1997 à Kinshasa, laissant une veuve (toujours en vie), onze enfants (sa fille ainée, Élisabeth Makanga Lisiki Bo-Gela, décède cependant en juillet 2007) ainsi qu’une petite-fille.

 

Eugénie Makangha Dunn

Juriste/Droit belge et Common-law

Fille de Henri Makanga

emakangha@yahoo.fr

 

5 avril 2022

 

Sources inédites

Archives familiales

 

Travaux scientifiques

Hum.Sc.(IRCB) Moeller (A.), Les grandes lignes des migrations des Bantous de la Province Orientale du Congo belge, T.VI (1936).

Verhaegen (B.) [Edition] Kisangani 1876-1976, Histoire d’une Ville, Tome 1, La Population, Kinshasa, Presses universitaires du Zaïre, (1975).

 


[i] Cf. de Saint Moulin (L.) Villes et organisation de l’espace en République Démocratique du Congo, in Cahiers Africains, n°77, Ed. Harmattan (2010), p. 247

[ii] Les villages Simi-Simi et Bera sont liés à Makanga et seront, avec ce dernier, absorbés dans le secteur de la Rubuya-Bera, créé lors des modifications administratives des années 1930.

[iii] Des « listes de personnes à supprimer, dressées d’avance » étant en circulation ; voir Verhaegen (B.), Les rebellions populaires au Congo en 1964, in Cahiers d’études Africaines, vol. 7, n° 26, p. 345.

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Tomaison: 

Biographical Dictionary of Overseas Belgians