MARIS (Martin) (Martijn)

MARIS, Martin (Martijn) (Fijnaart, 14 janvier 1810 - Ixelles, 28 septembre 1868), voyageur, naturaliste-collecteur, médecin ( ?), diplomate.

Martin Maris est né aux Pays-Bas, de Cornélis Maris (1773-1832), propriétaire, et de Anna Punt (1777-1830). En 1833, il aurait été médecin sur un navire portugais. L’année suivante, on le retrouve comme vice-consul du Portugal à Bruxelles.  Les inventaires du Musée royal d’Art et d’Histoire (Bruxelles) portent la mention d’un don de Maris – deux petits dragons faits de coquillages – daté sans certitude de 1835, et dont la provenance reste ignorée (Haïti ?). Aux environs de 1844, semblerait-il, Maris exporte des bières belges au Texas, et des armes aux Philippines et au Siam. De son voyage aux Etats-Unis, il tire, en 1846, une nouvelle carte du Texas. Elle fut éditée par le célèbre Etablissement Géographique de Bruxelles, créé en 1830 à Molenbeek-Saint-Jean par Philippe Vandermaelen (1795-1869), un riche autodidacte passionné de cartographie. Le ministère de l’Intérieur fera l’acquisition de cinquante exemplaires de ce document. C’est à cette époque aussi que Maris aurait livré des articles sur ses voyages dans la presse bruxelloise et fait don de graines des Antilles au roi Léopold 1er.

Au début de l’année 1848, il est de retour d’un voyage de collecte à Haïti, Saint-Domingue et au Paraguay, pour le compte de l’Etat belge, qui lui avait attribué quatre mille francs (dont deux mille à titre d’avance sur la valeur vénale de ses collectes à venir) à cet effet. Ce voyage aurait, cependant, été interrompu pour raisons de santé. Il semble avoir débouché sur l’envoi de plusieurs caisses au ministère de l’Intérieur, à la fin de l’année 1847 et au début de l’année suivante. Deux, au moins, étaient destinées aux Musées royaux d'Armes, d'Armures, d'Antiquité et d'Ethnologie, établis Porte de Hal (Bruxelles), et huit autres aux jardins botaniques du pays. Une dernière caisse était destinée à un particulier, dont on ignore le nom. Les premières contenaient des mocassins, calebasses, paniers, pipes, chapeaux, jouets, qui n’avaient probablement pas qu’une valeur ethnographique, mais, en partie, au moins, une vocation plus triviale (échantillons de la production locale à des fins commerciales?). Maris aurait, d’ailleurs, adressé plusieurs rapports commerciaux à l’Etat belge, au cours de ses voyages.

Les caisses restantes révéleront une collection de plantes mortes en chemin, sans compter une dizaine de boîtes de graines. L’évaluation de ces envois, qui étaient loin d’atteindre les espérances du gouvernement, fut faite, pour l’une d’entre elles, en tout cas, en présence d’un expert désigné par Martin Maris : l’horticulteur  Henri Galeotti (1814-1858). On notera que le catalogue de cette maison horticole de luxe portera, en 1849, la mention d’un Echinocactus marisianus. Cette donnée confirme que Maris n’avait pas collecté qu’au profit de l’Etat belge et des établissements scientifiques, mais avait également passé un accord avec des maisons commerciales, accord probablement discret, d’ailleurs, comme l’indique la non-divulgation du particulier à qui était destinée l’une des caisses arrivées au Jardin botanique de Bruxelles, où avaient été effectués les partages des plantes. Cette attitude n’est pas rare, dans l’histoire de la collecte naturaliste, il faut le signaler.

Des plantes qui avaient survécu, on fit, après des mois de soins, un ultime partage en 1851 : cent vingt-deux sujets furent alors distribués au jardin botanique de Bruxelles et à ceux de Liège et de Gand. Au total, le voyage de Maris fut considéré comme très pauvre en résultats, dans le domaine des sciences naturelles, en tout cas. Les inventaires des actuels Musées royaux d’Art et d’Histoire, qui ont intégré les collections des anciens Musées royaux d'Armes, d'Armures, d'Antiquité et d'Ethnologie (installés Porte de Hal), mentionnent encore le don d’une statuette en pierre peinte provenant des îles de la Sonde et, en 1866, des échantillons de Bromeliaceae dont les indiens du Texas faisaient, disait-on, des oreillers, un éventail du Chili (provenance incertaine) et de l’encre de Chine. Finalement, en 1867, c’est un instrument de musique – ressemblant à une guitare – provenant du Brésil, ou du Chili, qui sera donné aux Musées royaux d'Armes, d'Armures, d'Antiquité et d'Ethnologie. Cette pièce sera considérée, à une époque, avec un vif intérêt, du fait de sa ressemblance avec certains instruments de musique africains et congolais, plus spécialement.

L’expédition avortée de 1847-1848 n’avait pas refroidi l’ardeur de Maris, loin s’en faut. Non seulement réclamerait-il, à plusieurs reprises, le solde de la subvention qui avait été accordée à son périple de collecte, mais il tenterait également de se faire nommer diplomate en Californie, puis à Saint-Domingue. Cette dernière démarche fut, finalement, couronnée de succès, puisque, en 1858, il obtiendra le consulat belge dans ce dernier pays. En février 1859, il remettrait cependant sa démission, sans jamais avoir pris son poste dans les Antilles. Pour autant, il ne rembourserait pas l’avance que l’Etat belge lui avait faite afin de faciliter son installation outre-mer. Les menaces ministérielles n’y changeraient rien. L’année suivante, l’ancien explorateur se permit encore de réclamer  au département du ministre Charles Rogier (1800-1885) le solde de la subvention octroyée pour son voyage de 1847. Il fera une tentative similaire en 1864, peut-être encouragé par le fait qu’il avait convaincu le ministre de l’Intérieur Alphonse Vandenpeereboom (1812-1884), l’année précédente, d’acheter vingt exemplaires de son livre Souvenirs d’Amérique . Infatigable, il approcherait encore ce dernier, afin de décrocher une subvention destinée à effectuer un voyage scientifique au profit des institutions belges, à Cuba et à Haïti… mais en vain. En 1868, il voudra encore faire souscrire le département de l’Intérieur à son projet d’ouvrage intitulé Souvenirs de Voyages dans les Cinq parties du Monde. Mais il ne répondra jamais, apparemment, à la demande qui lui serait alors adressée de pouvoir jauger  son ouvrage avant d’en soutenir la publication. Il meurt quelques mois plus tard à Ixelles (Bruxelles). Son acte de décès porte : « Docteur en médecine, ancien Consul de Belgique à Saint-Domingue ».

Cette carrière relativement piteuse ne doit pas occulter, cependant, l’existence d’un legs intéressant à l’ethnographie : la description que Martin Maris donna des indiens Tonkawas, auprès desquels il avait vécu quelques jours, dans les années 1840, et qu’il publia dans ses Souvenirs d’Amérique. Cet ouvrage, fort représentatif d’un genre littéraire florissant à cette époque ─ les relations de voyages – se présente comme un pêle-mêle de considérations philosophiques, morales, politiques, sociales et économiques, et fait également la part belle à l’héroïsme de son auteur. Mais il fournit aussi quelques renseignements sur une tribu de Native Americans texans à propos de laquelle on sait encore peu de choses de nos jours. Martin Maris, animé par le souffle entrepreneurial qui prévalait dans la Belgique nouvellement née, mû par une forme d’optimisme et de culot qui ne sont pas exceptionnels dans le monde des collecteurs d’artefacts et de naturalia, volontiers retors également,  pourrait être considéré comme l’archétype de l’aventurier qui n’a pas connu le succès. En tout état de cause, il reste un des rares naturalistes-collecteurs de l’Etat belge, dans ses premières années d’existence. Cette profession, en effet, passera rapidement sous le contrôle du secteur commercial.

 

Denis Diagre-Vanderpelen
Agence Jardin botanique Meise,
15 juin 2015
collaborateur scientifique U.L.B.

 

Sources non publiées

Archives du Ministère des Affaires étrangères, dossier P. ext. 1026.

Archives générales du Royaume, Ancien fonds, Enseignement supérieur, n° 282.

Archives générales du Royaume, Fonds de Renesse-Breidbach, n°58, rapport de B. Dubus de Ghisignies au ministre de l’Intérieur, 30/3/1848.

Archives de la Société royale d’Horticulture (Jardin botanique national de Belgique, Meise), Correspondances, vol. IV, lettres du 2/1/1848 et du 13/3/1848 ; n°261, procès verbal d’ouverture des 6 caisses de Martin Maris, 29/12/1847.

Archives des Musées royaux d’Art et d’Histoire (Bruxelles), Ethnologie américaine (ET. AM.), farde Dons n° 4.

Arbre généalogique de la famille Maris, aimablement communiqué par Monsieur Bram Besteman (Hollande).

Sources publiées

a) Publications de Martin Maris

Maris (M.),  Souvenirs d’Amérique. Relations d’un voyage au Texas et en Haïti, Bruxelles, 1863, 135 p.

b) Autres sources publiées

Extrait du catalogue Botanique de la Collection de plantes exotiques cultivées dans les serres de Henri Galeotti, Bruxelles, 1849.

Travaux scientifiques

De Smet (A.), Les voyageurs belges aux Etats-Unis du XVIIème siècle à 1900, Notices bio-bibliographiques, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 1959, pp. 121-122.

Diagre-Vanderpelen (D.), Un explorateur-naturaliste « belge » en Amérique du Nord : les voyages oubliés de Martin Maris (1810-1868), in Archives et Bibliothèques de Belgique, t. LXXVI, n° 1-4, pp. 135- 168.

Diagre-Vanderpelen (D.), The Belgian Nurseries introducing « Novelties »: did Belgian Taxonomists really benefit from the Horticultural Industry and Plant Hunters (1830-1870)?, 4th International Conference of the European Society for the History of Sciences (ESHS), Barcelona, 18-20/11/2010.

Diagre-Vanderpelen (D.), Les naturalistes collecteurs : au service de la science… ou du commerce ? Réflexions sur l’étonnant cas belge (1830-1870), in Bulletin d’Histoire et d’Épistémologie des Sciences de la Vie, vol.  18, n° 2, Éditions Kimé, Paris, 2011, pp. 131-156.

Diagre-Vanderpelen (D.), Les plant-hunters belges durant le règne de Léopold 1er (1831-1870) : succès et paradoxe, in Circumscribere. International Journal for the History of Science, vol. 9, 2011, pp. 78-99.

Diagre-Vanderpelen (D.), Le Jardin botanique de Bruxelles, 1826-1912 : Reflet de la Belgique, enfant de l’Afrique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2012, 296 p. (Mémoires de la Classe des Sciences)

 

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Tomaison: 

Biographical Dictionary of Overseas Belgians